Le milliardaire Abramovitch a voulu effectuer un don de 8 millions de shekels à l’association Zaka. Face au refus de sa banque d’exécuter le virement, l’histoire termine devant les tribunaux.
Contrairement à la position du conseiller juridique de l’État et de la banque Mizrahi-Tefahot, la Juge du tribunal de district de Tel Aviv, Jordana Seroussi, a accédé le 30/01/2024 à la demande de l’homme d’affaires Roman Abramovich et de l’association Zaka, en ordonnant à la banque de transférer un don de 8 millions de shekels provenant du compte d’Abramovitch, géré par la banque, au bénéfice de l’Association.
La banque refusait de transférer le don en raison des sanctions frappant Abramovitch au sein de l’Union européenne et du Royaume-Uni, que la banque a volontairement appliquées.
Pour rappel, ces sanctions ne sont pas exclusives à l’oligarque d’origine russe et ont été prises en raison du conflit russo-ukrainien. Le juge a décidé d’accepter la demande d’Abramovitch et de Zaka, représentés par leurs avocats Shmulik Cassuto et Bel Peled, et ce malgré la position de Gali Beharev Miara, conseillère juridique du Gouvernement, qui défendait le refus de la banque, au motif qu’il est déconseillé d’interférer avec le pouvoir discrétionnaire de la banque.
Bien que la Juge Seroussi ait ordonné le transfert du don, elle a déclaré dans sa décision que “la banque a indiqué qu’elle avait l’intention de faire appel de la décision et que le transfert des fonds rendrait l’appel inutile, en conséquence de quoi, je retarde l’exécution de ladite décision de 72 heures.
De fait, et compte tenu de la position radicale de la banque et de son insistance à enquêter sur les représentants des attaquants, et ce bien qu’il n’y ait pas eu de contestation factuelle pertinente, la banque supportera les frais afférents à ce retard, à savoir la somme le de 15,000 ILS”.
Elle estime que “l’État ne peut motiver sa position sur le seul risque de ne pas entrer en contradiction avec les sanctions européennes dont est frappé l’oligarque afin de ne pas exposer la banque aux risques qui en découlent. Dans le cas présent, il convient également d’étudier la nature de l’opération demandée, et d’arbitrer entre risques et bénéfices”.
L’avocat Shmulik Cassuto, qui représentait Abramovitch et l’association ZAKA, remercie “le tribunal pour sa décision, qui permet à Roman Abramovitch de faire don de 8 millions de shekels à Zaka.
Le but du procès était de permettre à Zaka, une association qui bénéficie par ailleurs d’un budget gouvernemental minimal, de se préparer aux défis à venir en ce contexte de guerre et de pouvoir continuer à accomplir son œuvre sacrée au bénéfice du peuple d’Israël. Zaka est un atout majeur pour l’État d’Israël et Roman Abramovitch est fier de soutenir les activités de l’organisation”.
La décision de la juge établit tout d’abord que l’oligarque est un citoyen israélien, mais également que les sanctions décrétées par l’Union Européenne et la Grande-Bretagne n’ont pas cours en Israël.
La décision est également motivée par le besoin impérieux de Zaka de reconstituer ses stocks vidées en raison de la guerre, compte tenu de la crainte d’une expansion des combats et des menaces sécuritaires dans le nord et le sud.
De plus, Zaka a besoin de fonds immédiatement pour pouvoir fournir un soutien psychologique à ses volontaires, compte tenu des scènes extrêmes auxquelles ils ont été exposés. En l’absence d’un budget gouvernemental important et à la lumière des dépenses financières considérables, mais nécessaires, Zaka travaille à collecter des dons.
C’est dans ce contexte que l’association s’est tournée vers le milliardaire courant décembre, qui a demandé à sa banque d’initier le virement le 19/12/2023.
La banque a affirmé, entre autres, que les dommages qui pourraient lui être causés, ainsi qu’à ses clients et plus largement à l’État d’Israël sont énormes et dépassent de plusieurs dizaines de millions de shekels le don fait par Abramovitch.
Selon elle, l’exécution du transfert de fonds signifie une violation flagrante des régimes de sanctions imposés à l’oligarque.
La banque a par ailleurs argué qu’Abramovitch étant frappé de sanctions en raison du conflit opposant la Russie et l’Ukraine, la banque n’avait aucune possibilité d’approuver le transfert de fonds, sans qu’il n’en ait reçu l’accord pour ce faire.
La Juge a pour sa part estimé que “la banque avait appliqué le régime de sanctions de manière radicale, ce qui est à la fois contraire à la ligne directrice en la matière et aux instructions du superviseur des banques.
D’autre part, la banque n’a même pas avancé de preuves concrètes permettant de justifier ses craintes concernant les dommages potentiels, de sorte qu’elle n’a pas contrecarré la moindre charge à son encontre.
Je précise ma pensée : la banque n’a pas pris le temps d’examiner, s’il était approprié d’empêcher le transfert d’un don d’un compte israélien vers un compte israélien, tout en examinant le bénéfice qui en découlerait face aux dommages qui pourraient en résulter.
Au contraire, la banque a affirmé que, puisque le transfert d’un don depuis des comptes britanniques ou européens sans autorisation est interdit du fait des sanctions, elle doit également l’interdire. Il convient également de préciser à ce stade que les sanctions n’interdisent pas le transfert de dons.
Par ailleurs, les sanctions n’ont pas cours en Israël et le seul obstacle au transfert réside dans les dommages qui pourraient en être causés et dans l’obligation de gestion des risques de la banque. Les sanctions ne peuvent être violées lorsqu’elles ne s’appliquent pas”.
Avant de reprendre : “il n’est pas clair dans quelle mesure le transfert d’Abramovitch d’un don à Zaka aide la base militaro-industrielle russe ?
Rappelons également, que les États-Unis n’ont pas imposé de sanctions à l’endroit du milliardaire et qu’il est donc inapproprié que sa propre banque en Israël le fasse. Nous estimons que la banque doit arbitrer entre les besoins du client et l’application de sanctions dans la gestion de ses risques.
Dans le cas présent, semble qu’il n’y a pas eu d’arbitrage et que la banque a interdit tout mouvement, y compris un transfert de don qui , à première vue, ne devrait pas contourner le régime des sanctions”.
“L’assistance psychologique aux volontaires de ZAKA est une priorité. En négligeant ce qui pourrait causer des dommages à long terme et le manque d’équipement en pleine guerre, j’estime qu’il faut donner la priorité à la fourniture d’une assistance psychologique et à l’achat de matériel.
Les dommages qui peuvent être causés par la négligence du soin aux bénévoles et par le fait de ne pas avoir acheté le matériel sont des dommages graves et irréversibles qui ne peuvent être compensés financièrement”.
Et de conclure : “face à un hypothétique préjudice, il existe un préjudice avéré qui s’accroît à chaque instant. Chaque jour sans traitement psychologique constitue un préjudice irréversible”.