Les marchés actions se sont progressivement repris cette première quinzaine de mars, mais restent néanmoins assez volatils du fait des craintes d’un conflit commercial. A la suite des déclarations jugées provocatrices de Donald Trump, les questions politiques ont fini par prendre le dessus et « driver » la tendance ces derniers jours.
Pour autant, les fondamentaux restent satisfaisants. Aux États-Unis, la confiance des entreprises et des consommateurs est restée bien orientée, on constate les premiers effets des réductions d’impôts. Idem pour les revenus des ménages.
Le risque portait ce mois-ci sur le rapport sur l’emploi. Bonne surprise, les créations d’emplois ont été plus nombreuses qu’attendu. L’économie américaine a créé 313.000 postes en février, le consensus en prévoyait 200.000. Ce qui donne un taux de chômage à 4,1%, soit un plus bas de 17 ans, qui confirme une croissance soutenue aux États-Unis.
Mais le point d’orgue pour les marchés a été le ralentissement des salaires. A l’inverse des créations de postes, le salaire horaire moyen a augmenté moins qu’attendu : de 0,1% sur un mois, contre 0,2% attendu. La hausse annuelle des salaires ressort ainsi en février à 2,6%, contre 2,8% en janvier.
Rappelons-nous, c’est ce même indicateur, à +0,3% le mois dernier, soit son niveau le plus haut depuis 2009, qui avait provoqué, début février, la brutale correction sur les marchés. Les investisseurs craignant que cette accélération des salaires n’ait des effets sur la Fed et les taux longs.
Mais les dernières statistiques montrent qu’il n’y a pas vraiment de pression inflationniste sur le marché du travail. C’est ce que nous avions anticipé lors de notre dernier mensuel. Cette spirale inflationniste qui résiderait dans l’accélération du salaire horaire était, selon nous, une vision un peu hâtive. La hausse des salaires, malgré une légère accélération, restant encore bien timide.
Ce chiffre a ravivé l’appétit du risque chez les investisseurs. Le scénario d’une croissance non-inflationniste, est au fond un scénario rêvé pour les marchés actions. Cela veut dire que la Fed n’est a priori pas obligée de remonter ses taux trop vite.
Pour autant, selon toute vraisemblance, la Federale Reserve devrait procéder à un relèvement de ses taux directeurs d’un quart de point, lors de sa prochaine réunion les 20 et 21 mars, mais cette hausse est déjà « pricée » par les marchés.
Pour autant la lenteur de la croissance des salaires devrait, au grand soulagement des investisseurs, tempérer les ardeurs de la Fed qui n’excluait pas de procéder à quatre hausses de taux cette année, au lieu des trois prévues. Un scénario qui soulage également la pression qui pèse sur les épaules de Powell, le nouveau président de la Fed.
Jerome Powell qui tiendra d’ailleurs sa première conférence post-réunion, en tant que président de la Réserve fédérale. Les investisseurs devraient donc en savoir plus sur la nouvelle « guidance » de l’institution, avec un peu plus de sérénité que le mois dernier, compte tenu des risques qui se sont atténués sur l’inflation.
Signe de l’apaisement, au moins temporaire, des craintes d’un retour en force de l’inflation : le taux à 10ans américain est à 2,85%, s’éloignant un peu plus des 3%, pic quasiment touché en février.
Ces bonnes nouvelles du côté de l’emploi ont donc permis aux marchés de se reprendre progressivement, avant qu’ils ne cèdent à nouveau du terrain suite aux effets de la mise en place, par Donald Trump, de barrières douanières sur l’acier et l’aluminium. D’autant qu’il ciblerait désormais les secteurs de la technologie, des télécom et du textile. Ce qui fait craindre des mesures de représailles de la part des partenaires commerciaux des États-Unis., notamment de la Chine.
De quoi troubler le marché, de telles mesures peuvent clairement contaminer la croissance mondiale. Les taxes à l’import augmentant les prix et impactant de facto le pouvoir d’achat. C’est ce qui explique le ralentissement de Wall Street cette dernière semaine. Ce climat d’incertitude et ce manque de visibilité est propice aux prises de bénéfices, d’autant plus que les grandes entreprises industrielles multinationales craignent de pâtir de ces mesures restrictives.
Même si Trump vient jouer les « trouble-fête » sur les marchés, politiquement cela lui donne un certain crédit auprès de son électorat. Effectivement, on ne peut pas lui reprocher de faire ce qu’il a dit et de concrétiser ainsi ses promesses de campagne. N’oublions pas que les élections de mi-mandat arrivent à grand pas.
Personne n’est dupe, en imposant de nouveaux tarifs douaniers, Donald Trump vise clairement la Chine, avec toutes les craintes pour le marché d’une éventuelle guerre commerciale entre ces deux puissances. Sachant qu’une grande partie de la dette américaine est détenue par les chinois et que les conséquences pourraient être dantesques.
Mais, précisément, il y a trop d’intérêts en jeu, de part et d’autre, pour donner de la crédibilité à un tel scénario. N’oublions pas que Trump est un négociateur, certes agressif, mais aguerri et c’est sans doute une de ses nombreuses techniques pour obtenir des concessions de la Chine, ou même de l’Europe, sur les politiques commerciales existantes.
Autre sujet qui a fait l’actualité et auquel les investisseurs ne sont pas restés insensibles : l’éviction de Rex Tillerson, figure charismatique et respectée du gouvernement Trump. Un départ qui a succédé à celui de Gary Cohn, le principal conseiller économique du président, en désaccord avec les mesures protectionnistes.
Les relations entre Trump et son secrétaire d’état n’ont jamais été au beau fixe, Tillerson ayant affiché plusieurs fois ses divergences avec le président, notamment sur la Corée du Nord et l’Iran.
Les investisseurs commencent donc à s’inquiéter de ce « turn-over » incessant à la maison blanche, qui rend de plus en plus incertain la politique à venir du président américain. Si ce n’est que le cabinet présidentiel commence à prendre une « couleur » beaucoup plus protectionniste. Ce qui n’est pas pour rassurer les bourses mondiales.
Dans ce climat incertain, les marchés ont accueilli d’un bon œil, la perspective d’une rencontre, totalement improbable, entre le président américain Donald Trump et son homologue nord-coréen Kim Jong-un.
Malgré la baisse enregistrée la semaine dernière, Wall Street reste positif en mars. Le Dow Jones enregistre, ces deux dernières semaines, une hausse de +1,73%, le S&P 500 est également positif avec +2,46%. Le Nasdaq composite performe également avec un gain de +2,93%.
Du côté des bourses européennes, après un mois de février compliqué, les principaux indices ont repris quelques couleurs, au gré de l’actualité des entreprises. Le contexte de marché est, certes, toujours fragilisé par les vents contraires provoqués par la crainte d’une guerre commerciale internationale, mais la dynamique de la microéconomie permet aux indices européens d’oublier un peu cette atmosphère anxiogène entourant la politique de Trump. D’autant que la macro n’est pas en reste : la zone euro a connu au quatrième trimestre une croissance de son PIB de 2,7% sur un an (soit un rythme supérieur à celui de 2,5% enregistré par les Etats-Unis). Depuis le 1er mars, le Cac et l’EuroStoxx enregistrent respectivement une performance positive de +2,88% et +3,29%.
Ce début de semaine marque la première journée du G20 qui rassemblera à Buenos Aires les grands argentiers de ce monde, à savoir les ministres des Finances et les banquiers centraux. Au vu de la croissance mondiale synchronisée partout dans le monde, le climat promettait d’être clément, mais à la suite des déclarations « va-t-en-guerre » du président américain, les discussions devraient prendre un autre angle. Les investisseurs surveilleront, en particulier, l’annonce de « ripostes » éventuelles de la part des pays concernés, notamment l’Europe et la Chine.
Du côté des devises, la paire euro-dollar est depuis le début du mois, tiraillée entre le ton prudent de la BCE et l’ultra-protectionnisme affiché de Trump. Pour autant, malgré l’ambiance politique délétère, le dollar a regagné du terrain (à 1,2275$), soutenu par la perspective imminente d’une nouvelle hausse des taux de la Fed cette semaine.
Le billet vert profite également de la faiblesse de l’euro, suite au ton encore très accommodant de Mario Draghi, président de la BCE. Cette dernière ne mettra fin à ses rachats d’actifs que lorsqu’elle sera convaincue de la solidité de la trajectoire de l’inflation. Or, l’inflation en zone euro pour février est ressortie à 1,1%. Nous sommes encore loin des 2% souhaités par la Banque centrale européenne.
Sur le marché pétrolier, le Brent est toujours au-dessus des 65 dollars, le brut léger américain oscille lui autour des 62$. Finalement, les cours du brut se stabilisent, malgré la pression de la production américaine. Les perspectives d’une demande de plus en plus ferme soutiennent le marché. Un sentiment entretenu par le bon chiffre de la production industrielle en Chine, qui a augmenté plus que prévu depuis le début de l’année. Ce qui laisse penser que la croissance chinoise reste solide. Une bonne nouvelle pour la demande de pétrole.
L’or de son côté ne profite pas encore de cet environnement de tensions commerciales et glisse vers les 1310$ l’once. Le contexte de hausse des taux directeurs par la Fed demeure défavorable au métal fin. La hausse récente du taux à dix ans américain (2,8%) joue également contre l’or, l’écart de rendement entre l’or, qui par nature ne rapporte rien, et les produits de taux s’accentuant de plus en plus. Toutefois avec le G20 qui démarre ce lundi en Argentine, les craintes sur le front du commerce international pourraient monter d’un cran, ce qui pourrait servir au métal fin.
Encore une fois, une guerre commerciale de grande envergure semble inconcevable, compte tenu des enjeux colossaux, mais pour autant le climat sera loin d’être pacifique sur ce sujet.
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