Etats-Unis

Ces deux dernières semaines ont concentré à elles seules presque tous les gros dossiers économiques et financiers de l’année.
Un des contributeurs à cette morosité ambiante a été la communication offensive de la Réserve fédérale américaine qui compte poursuivre le relèvement de ses taux, en dépit des tensions commerciales et des incertitudes géopolitiques. La Fed a, en début de mois, opté pour le statu quo monétaire maintenant ses taux directeurs entre 2 /2,25 %.

Jusque-là pas de surprise, mais à la lecture de son communiqué final, les investisseurs en ont déduit que la Banque centrale américaine procédera bien à un nouveau relèvement des taux, le quatrième de l’année, au mois de décembre. Le fait que la Fed ait exprimé une vision optimiste de l’économie, en dépit des turbulences sur les marchés en octobre, a laissé présager de nouvelles hausses de taux. Ce qui n’est pas à proprement parler un élément positif pour les actions.

Toutefois l’inflation devrait être plus modérée en novembre et décembre à cause de la répercussion de la chute du pétrole, ce qui pourrait calmer les anticipations de la Fed, de trois hausses de taux pour 2019.
Quoi qu’il en soit, il est peu probable que la Federale Reserve devienne trop restrictive. Jerome Powell, son président, reste dans la foulée d’une gestion graduelle. C’est un pragmatique qui n’hésitera pas à modifier la politique monétaire de la Fed, en fonction des évènements.
Quelques éléments positifs sont néanmoins venus se greffer à cette difficile reprise des indices US.
Wall Street a salué des espoirs d’accalmie dans l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine, avec la reprise des négociations (après trois mois de suspension).
Certaines rumeurs ont même laissé entendre que la prochaine série de droits de douane pour les importations chinoises avait été gelée, pendant que se poursuivent les négociations entre les deux pays.
Trump a déclaré que, même si les conditions pour aboutir à un accord n’étaient pas encore réunies, il a qualifié les propositions faites par la Chine d’encourageantes.

L’enjeu principal à court terme pour la Chine est d’éviter la mise en place au 1er janvier de taxes à l’importation (25%) prévues par Donald Trump sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises. Ironie de la situation, la dépréciation du yuan contre le dollar, de 7% depuis le début de l’année, a donné un coup de pouce aux exportations chinoises et permet donc aux industriels chinois de s’adapter à cet environnement pour le moins difficile.
Le suspense se prolongera sans doute, jusqu’au sommet du G20 à la fin du mois à Buenos Aires, au cours duquel Donald Trump et le président chinois Xi Jinping devraient s’entretenir en tête à tête.
Le président américain avait une rhétorique extrêmement dure à l’égard de la Chine pour des raisons électorales, mais les élections de mi-mandat étant désormais passées, c’est peut-être le moment d’arriver à un accord avec la Chine.

Le mot de la fin sur le sujet revient à Jamie Dimon, chairman de JP Morgan, qui lors d’une récente déclaration s’est dit peu inquiet de cette « guerre commerciale » : avec Trump la dimension business reprend toujours le dessus même si la forme est agressive. On l’a vu avec le peu de changement dans l’accord de l’ALENA ou encore l’assouplissement sur l’embargo iranien.
Les marchés ont également accueilli, avec un certain soulagement, l’issue des élections de mi-mandat américaines, dont le manque de visibilité était un facteur de stress prégnant pour les marchés en octobre.
Si les Démocrates ont remporté la majorité à la Chambre des représentants, ça n’a pas été un raz de marée, les Républicains ont, eux, renforcé leur position au Sénat. Cette cohabitation apporte un certain équilibre, que le marché a semblé valider.

En outre, la crainte d’une procédure « d’impeachment » contre Trump est désormais écartée. Techniquement il faudrait que les 2/3 du sénat valident la procédure de destitution. La chambre des représentants démocrate peut, certes, présenter cette procédure si elle le souhaite, mais elle ne sera jamais adoptée par un sénat majoritairement républicain. D’un point de vue constitutionnel, les marchés ont donc été soulagés.
Trump pourrait profiter de cette cohabitation pour trouver un nouveau bouc émissaire, si sa politique ne devait pas prendre la tournure qu’il souhaite.

Une statistique intéressante : historiquement dans les 3 à 6 mois qui ont suivi les 17 élections qu’il y a eu depuis les années 50, la bourse a toujours performé.
Pourtant, malgré un réchauffement des négociations avec la Chine et des élections de mi-mandat plutôt favorables aux marchés, Wall- Street n’a pas réussi à consolider son rebond post-élections.
Mais cette fois le vent contraire est venu d’APPLE, mastodonte de la cote américaine. Un fournisseur d’Apple a récemment révisé à la baisse ses prévisions de croissance. Le marché en a déduit que puisque cette société fournissait principalement Apple, cela pouvait sous-entendre que la production d’iPhone était en baisse. Or l’iPhone c’est le moteur de croissance d’Apple. Le titre a immédiatement corrigé, emportant l’ensemble des valeurs technologiques, mais également les autres indices US, sur son sillage. Le secteur technologique est certainement le plus menacé en ce moment en raison de valorisations qui étaient très élevées. Mais il faut relativiser, leur socle reste solide.

Pour autant la macro-économie US confirme une bonne santé. L’économie des Etats-Unis demeure robuste, comme en atteste la production manufacturière, qui a augmenté pour le cinquième mois d’affilée en octobre ou encore les ventes au détail sorties meilleures que prévues. En outre, la consommation ne s’est jamais aussi bien portée.
Autre élément positif, le taux à 10 ans américain, celui-là même qui avait fait peur aux marchés, début octobre, est tombé à un creux de plus deux semaines à 3,07% après les déclarations du vice-président de la Réserve fédérale, qui a déclaré que les taux se rapprochaient du niveau que la Fed considère comme “neutre”. C’est-à-dire ne stimulant ni ne freinant la croissance économique. Ces déclarations ont été interprétées par les investisseurs comme un signal que le cycle de resserrement monétaire en cours aux Etats-Unis pourrait peut-être ralentir.

Depuis le début du mois de novembre le Dow Jones a gagné 0,6%, le S&P-500 +0,5%. Seul le Nasdaq sous le poids des valeurs technologiques perd -1,45%.
La lecture des résultats d’entreprise est très surprenante. Bien qu’ils aient été majoritairement meilleurs qu’attendu sur le troisième trimestre, les investisseurs ont été déçu par les prévisions du 4ème trimestre, moins encourageantes. Ce qui a entrainé des réactions très négatives du marché. Les attentes étaient tellement fortes, que même de bons résultats n’ont pas été suffisants pour soutenir les actions.
En Europe, c’est un peu plus compliqué. Il y a une combinaison d’inquiétudes politiques qui empêchent les marchés de se frayer un chemin vers la hausse.

Le premier foyer d’incertitude reste l’Italie, qui refuse de modifier son projet de budget et de plier face à la Commission européenne. La troisième économie de la Zone Euro prévoit un déficit budgétaire de 2.4% du PIB en 2019, ce que la Commission européenne estime excessif, au vu du niveau actuel de la dette publique et du déficit de croissance potentielle.
Toutefois la hausse du taux à 10ans Italien, qui rend la charge de la dette d’autant plus forte pour le pays, inquiète le gouvernement, qui a exprimé sa volonté d’augmenter les recettes pour réduire la dette publique, en évoquant la possibilité de cessions d’actifs ou de privatisations.
Rome veut “absolument” trouver un terrain d’entente avec la Commission européenne, qui de son côté doit aussi comprendre que les réformes structurelles coutent à l’économie à court terme. Bruxelles doit faire attention à ne pas trop s’entêter à imposer son orthodoxie budgétaire, afin de ne pas donner des gages aux populistes d’autres pays, à l’approche des élections européennes. Par ailleurs, le déficit italien n’est pas non plus catastrophique par rapport aux normes européennes. D’autant que les italiens ne veulent pas quitter l’Europe.

Il est fort à parier qu’un compromis sera trouvé. L’Union européenne ne se risquera pas à une crise budgétaire italienne qui serait préjudiciable pour l’union toute entière.
Au final, si la situation italienne prend une tournure plus engageante, les planètes pourraient s’aligner à nouveau en Europe : l’euro est faible ce qui favorise les exportations, le pétrole qui pesait sur les coûts des entreprises a baissé et les taux sont toujours aussi bas.
Dommage que les marchés européens aient été rattrapés par les déboires de Theresa May. Il y a à nouveau un focus sur le Brexit.
Tout semblait bien parti pourtant, le 13 novembre dernier, Theresa May a scellé un accord avec l’Union européenne sur les modalités de sortie du Brexit. Accord sur lequel le gouvernement britannique a donné son aval.

Mais à peine le projet validé il a été suivi d’une série de démissions de plusieurs ministres. L’accord a été jugé trop conciliant par les partisans les plus durs du Brexit, qui craignent de voir le Royaume-Uni réduit à l’état de “vassal” de l’Union européenne.
La bonne nouvelle de la signature de cet accord n’aura donc pas duré. Theresa May confirme pourtant qu’elle a juste une posture réaliste, qui est l’aboutissement de “milliers d’heures de négociations” et pour lequel, dit-elle, “il n’existe pas d’alternative”.
Pourtant le scénario central reste celui d’une ratification réussie, même si elle se fera « aux forceps ». Le marché se contentera d’un accord a minima et demande juste un peu de visibilité.

L’or s’est hissé à 1220 dollars, la crainte d’un Brexit désordonné a entrainé des achats de valeur refuge, avec une once d’or qui réagit enfin sur les problèmes géopolitiques. Entre le Brexit et le budget italien, le manque de visibilité à cette heure profite à l’or. Le métal jaune aurait même pu monter plus haut, si sa hausse n’était ralentie par la force du dollar. L’once étant libellée dans la devise américaine.

La politique de la Fed joue beaucoup dans l’attractivité du dollar qui oscille autour des 1,14 eur-usd. Le dollar profite aussi des incertitudes en Europe, l’euro reste sous pression alors que Rome donne du fil à retordre à la Commission européenne sur son projet de budget et que le Brexit est l’invité indésirable de cette fin d’année.

CONCLUSION :
La conjugaison des risques actuels peut donner du corps aux partisans d’une prochaine récession. Mais il convient de demeurer factuel. Les indices s’ils ont plié, n’ont pas rompu et ce malgré un nombre important de dossiers à risques. Tout simplement parce-que les fondamentaux économiques, même s’ils baissent légèrement, sont encore solides. Au stade actuel, la bonne tenue de l’économie, en toile de fond, défend davantage une correction saine à court terme des marchés actions, que le point de départ d’un nouveau grand marché baissier.
On assiste donc à un marché qui tâtonne et cherche des points d’équilibre. Il convient donc d’aborder cette période avec calme.

Aux Etats-Unis, alors que les investisseurs s’inquiétaient il y a peu d’un risque de surchauffe de l’économie, on revient aujourd’hui vers des niveaux plus raisonnables. Les cours sont plus en cohérence avec la réalité des entreprises. Le potentiel Wall Street ne va pas tarder à se reconstituer.
La purge vécue par les marchés US au mois d’octobre pourrait conduire Donald Trump, qui mettait, jusqu’à présent, à son crédit, les records successifs de Wall Street, à comprendre l’importance d’ajuster sa stratégie avant de déclencher des dommages sur les marchés. Wall Street étant un marqueur important de sa politique.

Les Etats-Unis ont tout intérêt à conclure un accord avec la Chine, les taxes à l’importation commencent à être problématiques pour les US et la compétitivité des sociétés. Et la Chine a besoin d’une relance. Chacun a donc intérêt à discuter. La probabilité d’un accord a d’ailleurs augmenté ces derniers jours. Le contraire serait un « loose-loose » dont personne ne sortirait gagnant. Un accord Chine/US relancera certainement le marché.
Par ailleurs, Warren buffet, qui est une sorte de baromètre pour les investisseurs, semble se repositionner sur le marché. Au moment où les opérateurs, nerveux, redoutent la fin de l’embellie économique, Buffet achète les actions des banques, des titres particulièrement sensibles à la conjoncture. Ce qui laisse à penser qu’il est haussier pour les prochains mois.

Précision : Les informations contenues dans cet article n’engagent que le rédacteur et ne sauraient se substituer à un conseil financier spécifique. Elles ne sont valables qu’à la date de leur rédaction uniquement.

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