Économie

Gina Cohen, experte en économie du Gaz est sans appel : “les Européens subissent actuellement des pénuries d’énergie à cause de leur naïveté”.
Les gisements de Gaz israéliens et les technologies européennes et étasuniennes pourraient être la réponse à cette crise.

Le 28/04/2022, quelques heures seulement après que la Russie avait annoncé qu’elle cesserait de fournir du Gaz à la Pologne et à la Bulgarie pour avoir refusé de payer en Roubles, Gina Cohen, une experte de renommée mondiale dans le domaine de l’économie internationale du Gaz, intervenait au Parlement européen de Bruxelles, concentrant son intervention sur le Moyen-Orient.

La sanction imposée par Moscou et que l’Europe redoutait tant lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, représente un potentiel extraordinaire pour Israël.

Au cours de son intervention au sein du Parlement européen, Gina Cohen a présenté les possibilités inhérentes à l’exportation de Gaz provenant de la Méditerranée orientale, y compris d’Israël, au lieu du Gaz russe.

Un enjeu toutefois : le développement du potentiel des gisements gaziers en Méditerranée orientale et la mise en place d’infrastructures permettant le transport du Gaz.

Ces exportations de Gaz pourraient générer des bénéfices de 100 milliards de shekels pour Jérusalem ; à noter qu’il s’agit d’une estimation prudente par rapport à celle du comité Adiri 2, qui tablait sur 230 milliards de shekels.

La consommation du marché européen du Gaz atteint environ 500 MMC (Milliards de Mètres Cubes) par an ; la Russie en a fourni 155 l’année dernière, dont 120 MMC aux pays favorables à l’Ukraine (77 % de la totalité).

L’Union européenne s’est fixée pour objectif d’arrêter les achats de Gaz à la Russie d’ici 2027, objectif que Gina Cohen estime irréaliste.

Selon elle, dans le cadre de la course à la réduction de l’utilisation des énergies fossiles, les Européens se sont concentrés sur les énergies renouvelables, et ne se sont pas inquiétés d’une période de transition d’environ 30 années nécessaires pour atteindre l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre.

“Les Européens subissent actuellement des pénuries d’énergie du fait de leur naïveté ! En raison de la pénurie de gaz, ils reviennent au charbon dont les effets délétères ne sont plus à démontrer. En parallèle, l’état d’urgence les conduit à chercher du Gaz, besoin pour lequel le gaz liquide se trouve être une bonne solution au regard des délais. Or, le Moyen-Orient, et notamment Israël, sont à même de pouvoir en fournir”.

Bien que les États-Unis et le Qatar ont augmenté leurs exportations de Gaz liquide vers l’Europe, il s’agit de quantités insuffisantes, notamment en raison du fait que Washington, sous l’impulsion de l’administration Biden, a ralenti l’exploitation de ses gisements de Gaz.

Gina Cohen recommande par ailleurs aux dirigeants israéliens de se prononcer prochainement sur la promotion de solutions techniques d’acheminement du Gaz vers l’Europe et ce afin de permettre aux compagnies gazières de conclure des accords à long terme avec les Européens.

De tels plans justifieraient le développement des gisements existants, ainsi que la poursuite des forages permettant de trouver de nouveaux gisements.

“Semble que les dirigeants israéliens n’ont pas conscience de l’importance stratégique que représentent ses gisements de Gaz ! Enfin un sujet de discussion avec les européens qui ne tourne pas autour de la question palestinienne !

En dépit de quelques voix discordantes en Israël, essentiellement issues du Parti travailliste, il convient pour Israël d’exploiter pleinement cette manne, qui représente pour ce seul état un contrat potentiel d’une vingtaine d’années avec des recettes à la clef d’environ 30 milliards de dollars !”

Au sujet de la Russie, elle estime que “Poutine a surestimé la situation financière de son pays, mais également sa capacité technologique a liquéfié le Gaz. Cette technologie dont dispose l’Occident lui est refusée par ses dirigeants”.

Est-ce qu’Israël dispose de cette technologie ?
“Pour peu qu’Israël vende son gaz à l’Europe, elle bénéficiera de la technologie américaine et européenne de liquéfaction.”
Dans le cadre de son travail pour l’Union européenne, Gina Cohen recommande la construction d’installations offshore offshore en Israël dont le coût s’élèvera environ à 5 milliards de dollars et à travers laquelle il sera possible de drainer 5 à 7 MMC par an ; il s’agit selon elle du moyen le plus rapide et le plus efficace à court terme.
Par la suite, elle recommande la construction d’un gazoduc marin vers les installations de drainage situées en Égypte.

Pourquoi Gina Cohen n’est pas spécialement optimiste ?
“Il y a trois ans, j’ai écrit un rapport à l’endroit du ministère de l’Énergie israélien dans lequel je l’avertissais que s’il ne faisait rien pour encourager les exportations, la moitié du Gaz existant ne serait pas vendu. Ce rapport n’a malheureusement pas trouvé d’écho, le ministère ne réalisant vraisemblablement pas le potentiel que représentaient ces gisements. La crise énergétique que traverse actuellement l’Europe est une opportunité et l’occasion doit être saisie”.

Que recommande-t-elle ?
“La mesure la plus importante, est d’accepter immédiatement les recommandations du comité Adiri 2 d’augmenter les quotas d’exportation d’Israël – et même de les étendre, car il y a suffisamment de Gaz pour toute la consommation israélienne.
De fait le rapport rendu par le comité Adiri 2, fait état, et ce conformément à l’évaluation prudente du ministère de l’Énergie, de réserves s’élevant à 921 MMC. De plus, le potentiel gazier existant dans les gisements disposant déjà de licences est estimé à 500 MMC.
“Aux termes du rapport Adiri 2, nous avons rappelé que la consommation israélienne maximale pour les 25 prochaines années devrait être d’environ 481 MMC. Autrement dit, même si l’on se réfère uniquement à la quantité de Gaz disponible, soit en d’autres termes, si nous arrêtions d’exploiter les gisements de Gaz, il est possible de doubler les exportations qui s’élèvent actuellement à environ 10 MMC par an, via les pipelines égyptiens et jordaniens”.

Par ailleurs, elle estime qu’en plus des exportations actuelles, Israël pourrait exporter entre 10 et 25 MMC vers l’Europe chaque année, exportations conditionnées par l’augmentation des capacités d’exploitation des gisements, et des options d’acheminement vers l’Europe.
“À cette fin,” dit-elle, “nous devons coopérer avec Chypre dès que possible, en partie pour développer le champ Aphrodite-Yishi”.
Elle estime par ailleurs, que les prix du Gaz devraient rester élevés, au moins pour les deux à trois prochaines années – et c’est la durée pendant laquelle Israël est tenue d’agir…et rapidement.

Lueur d’espoir : semble que le gouvernement a apparemment cerné l’opportunité s’offrant à lui
De fait, l’actuelle ministre de l’Énergie, Karin Elharar, est convenue avec son homologue égyptien que toute quantité de gaz transférée vers l’Égypte au-delà de celles auxquelles Israël est liée par les accords de vente, serait transférée vers les installations de liquéfaction – et de là vers l’Europe.
De plus, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le Commissaire européen à l’Énergie, Kadri Simson, a clarifié avec Elharar la capacité d’Israël à exporter du Gaz vers l’Europe. Les deux se sont rencontrées lors d’une conférence des ministres de l’Énergie à Paris, et la ministre israélienne a examiné avec les Européens quels seraient leurs engagements vis-à-vis du Gaz israélien.
Le Commissaire a répondu qu’il y avait certainement un horizon pour l’approvisionnement à long terme en Europe. Les parties se sont mises d’accord sur la création de groupes de travail conjoints, la partie israélienne étant dirigée par le directeur général du ministère de l’Énergie, Lior Shilat.

Cependant, l’on estime en Israël qu’il ne sera pas possible d’augmenter les exportations sans l’exploitation du gisement Karish-Tanine.
L’une des raisons est l’augmentation de la consommation de Gaz en Israël et la priorité que le ministère accorde au Marché local.

Seulement trois forages de puits depuis 2012
Selon le rapport rendu par la commission Adiri 2, en 2012 le nombre de licences pour exploitations en territoire maritime de gisements de Gaz se chiffrait à 36, dont quatre particulièrement fortes ; ainsi, tout laissait à penser que le développement de ces exploitations allait s’accélérer.
Cependant, depuis lors, seuls trois puits d’exploration ont été forés, deux en 2013 et un autre en 2019, alors que durant la même période, les différents pays de la région ont chacun foré plusieurs dizaines de puits.

Des responsables gouvernementaux passés et présents, expliquent que les critiques et les pressions publiques dirigées d’abord contre le forage lui-même, puis avec la révélation concernant la taxation des entreprises et les restrictions à l’exportation, ont causé des retards importants dans le développement et l’entrée de nouvelles entreprises sur l’échiquier.

“Paradoxalement, la critique dénonçant la main-mise sur le Gaz israélien par certains acteurs, critiques en partie justifiées, ainsi que les difficultés en matière de fiscalité et d’exportation ont en fait retardé la sortie de cette situation de monopole”, explique l’un des responsables.
“Les accords d’Abraham ont de fait changé la situation permettant l’arrivée de nouveaux acteurs tels que Chevron (exploitant de gisement de Gaz), ainsi que les Émirats permettant, pour peu que le Gouvernement prenne le coche, à Israël de devenir une véritable puissance gazière, et pour cause, les Européens préféreront acheter chez nous plus que n’importe quel autre pays de l’Est inféodé à Moscou”.

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