Ces deux dernières semaines ont été plutôt chargées sur les marchés. Entre le sommet du G7, la rencontre Donald Trump/ Kim Jong-un et les réunions de banques centrales, les investisseurs ont eu de quoi être maintenus en alerte.
Si les banques centrales et la rencontre entre les présidents américain et nord-coréen ont été de nature à apaiser le marché, l’horizon reste obscurci par les tensions commerciales qui incitent à une certaine prudence.
Après leur net rebond la première semaine de juin, les indices boursiers ont été plus mesurés la semaine passée, +1,7% en Europe (surtout grâce à une BCE accommodante) et +0,4% aux États-Unis.
Jusqu’ici, les investisseurs s’étaient plutôt désensibilisés des coups d’éclat de Donald Trump, mais le durcissement récent dans la « guerre des mots » fait craindre une rupture dans les échanges commerciaux et augmente, donc, le risque pour les marchés financiers.
D’autant plus que les hostilités commerciales entre les États Unis et la Chine ont été récemment relancées, avec l’annonce par Trump de droits de douane de 25% sur 50 milliards de dollars d’importations chinoises, ruinant au passage le « consensus » obtenu « aux forceps », il y a à peine un mois. Effectivement, même si aucun accord n’avait été conclu, les États-Unis et la Chine avaient tenu plusieurs séries de négociations. Mais, Trump n’ayant pas obtenu gain de cause, continue à faire pression sur la Chine pour réduire son déficit commercial de 375 milliards de dollars.
Ces pratiques de pression extrême commencent à irriter la Chine, qui jusqu’ici avait fait preuve de retenue. Les Chinois ne veulent pas d’un affrontement, mais ils ne savent plus comment gérer ce président. Trump veut négocier, certes, mais il veut négocier en position de force et est instable dans ses engagements, ce qui ne plait pas aux chinois.
La réponse de Pékin, ne s’est donc pas faite attendre. La Chine a déclaré que 34 milliards de dollars d’importations américaines, dont des produits agricoles, comme le soja et les voitures, seraient taxées à leur tour.
Donald Trump avait prévenu : si Pékin venait à rétorquer, il imposerait des droits de douanes additionnels. Il a mis sa menace à exécution. Le président américain a annoncé son intention de taxer 200 milliards de dollars d’importations chinoises supplémentaires, à hauteur de 10 %.
Trump semble employer une tactique similaire à celle utilisée face à la Corée du Nord, en jouant l’intimidation au maximum afin d’obtenir un avantage dans les négociations.
Les marchés hésitent et ne savent pas comment réagir à cette surenchère, ils ne croient toujours pas à une vraie guerre commerciale et continuent de penser que c’est une posture que Trump prend avant les élections de mi-mandat, pour montrer qu’il respecte ses promesses électorales. Néanmoins, face à cette escalade, les investisseurs ont joué la prudence, préférant prendre quelques bénéfices.
À plus long terme, il semble évident que le président américain pourrait être contraint de modérer sa politique protectionniste, sous la pression des grandes multinationales, car il y a un risque de compromettre la croissance de l’économie américaine. Des inquiétudes se font d’ailleurs sentir chez les agriculteurs qui sont susceptibles d’être les plus durement touchés par les mesures chinoises. Les secteurs automobile et aéronautique redoutent eux aussi les conséquences de ce conflit. Plus globalement ces mesures protectionnistes desservent l’ensemble des américains, en attisant l’inflation et en les contraignant à acheter plus cher leurs produits. Ce qui, à terme, devrait impacter négativement l’opinion publique.
Toutefois, l’activisme de Donald Trump sur les fronts commerciaux aura du mal à se calmer avant les élections de mi-mandat en novembre.
L’Europe n’a pas non plus été épargnée par les hostilités américaines : l’acier et l’aluminium ont eux aussi été frappés de ces mêmes taxes douanières. Trump a menacé les Européens de ne plus assurer leur sécurité s’ils n’augmentaient pas leurs dépenses militaires et n’acceptaient pas un rééquilibrage des échanges commerciaux avec les États-Unis.
Ce qui a encore mis de l’huile sur le feu, avant un sommet du G7 sous haute tension où les dirigeants ont dû composer, une nouvelle fois, avec les « volte-face » de Trump. Le président américain a, en effet, brusquement retiré son soutien au communiqué final du sommet de deux jours au Canada, alors que le “Groupe des 7” (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Japon) s’était pourtant entendu sur une nouvelle période de négociations. Mais Trump a préféré retirer sa signature, n’appréciant pas les déclarations du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, qui n’a pas caché son intention de riposter à ces taxes douanières.
En réalité, le président américain avait déjà l’esprit tourné vers son sommet à Singapour avec le leader nord-coréen et il n’était pas question, symboliquement parlant, qu’il dévoile la moindre faiblesse avant de retrouver Kim Jong-Un.
Pour les marchés, l’échec du G7 au Canada a laissé la place à l’espoir suscité par la rencontre historique entre les États-Unis et la Corée du Nord. Donald Trump et Kim Jong-un se sont rencontrés pour poser les bases d’un accord sur la dénucléarisation de la Corée du Nord.
Même si, concrètement, aucune date précise n’a été évoquée, symboliquement l’image est forte. Trump a réussi à créer un lien avec « l’indomptable » Corée du Nord, là où ses prédécesseurs avaient échoué. Les deux pays se sont entendus pour établir un régime de paix durable et stable dans la péninsule coréenne.L’apaisement (affiché) dans ce dossier a eu pour effet de réduire les tensions sur les marchés et faire oublier momentanément le fiasco du G7.
Autre nouvelle rassurante pour les indices boursiers : le dossier italien. Les investisseurs ont salué les propos, plutôt sécurisants, du nouveau ministre italien de l’Économie, qui a déclaré que le nouveau gouvernement n’avait aucunement l’intention de quitter la zone euro et qu’il allait mettre le focus sur la réduction de la dette, par une relance de la croissance via l’investissement et les réformes structurelles, et non par une politique de déficit budgétaire, comme le craignait les marchés. En outre, il a précisé que l’Italie respecterait comme prévu ses objectifs de dette pour 2018 et 2019.
La politique monétaire, de part et d’autre de l’Atlantique, était l’autre sujet qui a agité les marchés. Les réunions mensuelles de la Fed et de la BCE étaient, en effet, très attendues. Après plusieurs années de politique ultra-accommodante, les banques centrales ont pour délicate mission de réduire leur dispositif de relance monétaire. Et là encore les banques centrales n’ont pas déçu.
La FED a, certes, remonté ses taux, mais avec des anticipations rassurantes et la BCE a trouvé le juste milieu pour permettre aux investisseurs de se projeter sereinement sur la suite.
La Réserve Fédérale américaine a donc remonté, comme prévu, ses taux directeurs, d’un quart de point. Il s’agit de la deuxième hausse des taux depuis le début de l’année. Au-delà de ce nouveau rehaussement, les investisseurs ont surtout retenu qu’il devrait être suivi de deux tours de vis supplémentaires, d’ici la fin de l’année. Soit un de plus que prévu jusqu’à présent.
La FED s’est donc montrée un peu plus ‘faucon’. Mais elle acte ainsi l’accélération de la croissance américaine (attendue pour 2018 à +2.8%). Les investisseurs ont plutôt bien réagi, le fait que la FED monte ses taux, est finalement une preuve supplémentaire que l’économie américaine est en bonne forme.
La BCE n’a, de son côté, pas déçu. Les orientations de la Banque centrale européenne sont apparues beaucoup plus conciliantes qu’attendu.
Elle a, certes, annoncé que son vaste programme de rachats de dettes s’arrêtera à la fin de l’année. Concrètement, cette sortie du « QE » passera par une baisse de son rythme entre octobre et décembre (à 15 milliards d’euros mensuels contre 30 milliards actuellement). Mais les marchés ont ignoré la fin annoncée du « Quantitative Easing » et se sont concentrés sur l’engagement de Mario Draghi à ne pas remonter les taux d’intérêt jusqu’à l’été 2019 !
La normalisation est en marche mais la BCE prendra son temps, les marchés sont rassurés. Le président de la BCE n’a pas montré d’empressement d’enclencher la remontée des taux en zone euro. Encore une fois, Draghi préfère jouer la prudence, plutôt que de risquer de gâcher prématurément les gains économiques de sa politique accommodante.
Le numéro d’équilibriste aura donc été réussi pour Mario Draghi. Il est parvenu à ne pas créer d’effet de panique sur le marché et à faire baisser l’euro, ce qui a soutenu les indices européens. Les valeurs exportatrices profitant de l’affaiblissement de la devise.
La faiblesse actuelle de l’euro face au dollar est donc totalement justifiée, entre une FED plus “hawkish” et une BCE plus “dovish”.
Du côté des matières premières, des craintes se font sentir au sujet du rythme de la remontée des prix du pétrole, à quelques jours de la réunion de l’Opep.
Les marchés s’attendent, effectivement, à l’annonce d’une augmentation des quotas de production, qui avaient été instaurés début 2017. Le cartel et plusieurs autres grands producteurs comme la Russie, ont récemment fait part de leur souhait de desserrer l’étau de cet accord et d’augmenter un peu leur production pour calmer l’envolée les cours, qui ont pris près de 70% en un an.
Dans l’attente de cette réunion prévue en fin de semaine, les cours du brut sont sous pression, le Brent qui évoluait au-dessus de 80 dollars, il y a un mois, a perdu 5%.
Par ailleurs, les tensions commerciales et ses potentielles conséquences sur la demande mondiale en pétrole ont également pesé sur la tendance.
Toujours du côté des matières premières, l’or est en difficulté et reste largement en dessous des 1.300 dollars (1.274$), ne parvenant pas à profiter de son statut de valeur refuge. Alors même que les tensions ne manquent pas actuellement.
Si le cours de l’once reste sous pression, l’explication se trouve du côté de la Réserve fédérale américaine qui a relevé ses anticipations de hausse des taux cette année. Autre effet négatif pour le métal fin : le dollar se raffermit, ce qui limite l’appréciation de l’or dont c’est la devise de référence.
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