BOURSES AU RALENTI
Le premier semestre boursier s’achève sur une note décevante. Le climat délétère que les États-Unis font peser sur les échanges commerciaux, avec la Chine et l’Europe, s’est logiquement fait sentir sur les marchés. Au-delà des gesticulations et des petites phrases « tweetées » par Trump, des conséquences très concrètes commencent à se voir sur les marchés.
Si Wall-Street surperforme ce semestre (+7%) c’est grâce au Nasdaq. Le Dow Jones et le S&P 500 connaissent, certes, une phase de ralentissement, mais ils restent néanmoins encore très proches de leurs records. Ce qui est, en somme, assez logique, les perspectives économiques des États-Unis sont encore largement positives et la croissance du PIB en 2018 devrait avoisiner les 3%. De plus, la consommation, principal moteur de l’économie, reste en excellente forme grâce à la solidité du marché du travail.
De surcroît, les mesures de stimulation budgétaires pro-croissance engagées par Trump devraient aussi aider à prolonger l’expansion, encore à moyen terme et compenser l’effet ralentisseur que pourrait occasionner la hausse des taux d’intérêt par la Fed.
Si l’environnement reste relativement porteur, sur le plan économique, il est toujours agité par la rhétorique protectionniste qu’entretient Trump. La volatilité sur les marchés actions a donc été d’autant plus forte, la quasi-totalité des indices européens étant revenue en terrain négatif depuis le début de l’année. Les investisseurs, très sensibles sur le sujet, réagissent à la moindre information, ce qui explique que les marchés aient alterné les séances de hausse et de baisse, au gré des annonces portant sur les barrières douanières.
En Europe, une fois n’est pas coutume, c’est le Cac qui sauve la mise et qui s’en sort légèrement positif sur le semestre, avec notamment de bonnes performances dans le luxe, dont la dynamique ne semble pas s’enrayer. Alors que le Dax voit son industrie automobile, fleuron de la cote allemande, menacée par l’imminence de droits de douane américains majorés sur les véhicules européens. Les valeurs exportatrices, en Europe, ont également pâti des mises en place de ces taxes. Le tout dans un contexte économique qui s’essouffle un peu : le PIB annualisé de la zone euro montrant une baisse de régime, il n’a crû que de 1.6% au 1er trimestre.
Par ailleurs, si l’Europe est encore à la traine, c’est que Wall Street a des atouts de poids pour faire la différence. Les Apple, Google, Amazon, Microsoft et Facebook, cadors de la Bourse mondiale, ont tous encore signé des records en juin, sachant qu’ils comptent pour un quart du S&P 500.
Cette accélération est une bonne nouvelle en ce sens qu’elle compense le ralentissement apparent dans la zone euro.
Outre l’impact des tensions commerciales, les indices européens souffrent de craintes plus spécifiques à l’Europe. La sensibilité au risque italien demeure prégnante. Après le soulagement d’un ministre des finances italien plutôt eurocompatible, la nomination récente de deux personnalités eurosceptiques à la tête des Commissions parlementaires du budget et des finances a de nouveau provoqué un mouvement d’aversion pour le risque italien. Le risque d’explosion de la majorité d’Angela Merkel en Allemagne et l’incapacité du couple franco-allemand à imprimer une direction à l’Europe, alimentent également le scepticisme des investisseurs vis-à-vis de la cohésion de la zone euro. Cette situation en Europe rajoute au climat d’incertitude sur le commerce international qui pénalise actuellement les actions.
Même une faible décélération des flux commerciaux pourrait avoir des répercussions négatives sur la croissance du PIB mondial et donc hausser la probabilité des tensions financières et de défaillances.
NOUVELLE RÉFORME FISCALE US ?
Le président américain a laissé entendre qu’il souhaitait faire une annonce d’ici l’automne, concernant la phase 2 de sa réforme fiscale. Il serait question de réduire encore le taux de l’impôt sur les sociétés de 21% à 20%. Il devrait en dévoiler les grandes lignes cet été.
A l’approche des élections de mi-mandat, il semble que Donald Trump soit enclin à proposer de nouveaux cadeaux fiscaux, pour redorer le blason des républicains.
En décembre dernier il avait réussi à faire passer sa réforme fiscale qui prévoyait 1.500 milliards de dollars d’allégements fiscaux pour les particuliers et les entreprises, la plus importante loi fiscale votée aux États-Unis, depuis Ronald Reagan il y a 30 ans. Le taux de l’IS avait alors été ramené de 35% à 21%.
LA GUERRE COMMERCIALE CONTINUE
- OBSESSION CHINE
Les tensions commerciales sont restées au cœur des préoccupations des investisseurs. Notamment en ce qui concerne la Chine, qui est devenue la principale cible du président américain.
Donald Trump a une obsession : réduire son déficit commercial vis-à-vis de Pékin, qu’il accuse de concurrence «déloyale». Machines, jouets, chaussures… Les Américains importent toujours plus de produits « made in China ». Résultat : le déficit commercial américain, vis-à-vis des chinois, ne cesse de se creuser. Il se situe désormais aux environs de 300 milliards de dollars.
Alors qu’il a été question de négociations pendant des mois, Trump n’a cessé de souffler le chaud et le froid pour faire monter la pression. Mais finalement, la Chine s’est tout de même vue imposer les taxes sur l’acier et l’aluminium. Mais pas seulement. Les États-Unis ont récemment annoncé la mise en place de droits de douane de 25% sur 50 milliards de dollars de produits chinois, (pièces détachées, moteurs électriques, équipements pour l’industrie…)
Depuis, c’est « œil pour œil, dent pour dent », les deux pays se rendent coups pour coups. En répercussion, la Chine va imposer des droits de douane similaires sur des centaines de produits américains, d’une valeur totale de 50 milliards de dollars.
Face à cette contre-attaque, Donald Trump a brandi la menace d’une taxe à 10% sur 100 milliards de dollars d’importations chinoises supplémentaires, voire sur 200 milliards si Xi Jinping s’obstine à lui tenir tête. Et l’escalade n’est pas terminée, puisque Donald Trump a menacé, au cas où la Chine amplifierait sa riposte aux décisions américaines, de porter à 450 milliards de dollars, au total, la valeur des produits chinois qui seraient taxés à leur entrée aux États-Unis !
Même si derrière, les marchés continuent à penser qu’il y a juste une stratégie de renégocier les accords commerciaux, les proportions que prennent cette stratégie commence à inquiéter.
Et dans ce contexte, c’est la Chine qui a le plus à perdre. On le constate, d’ailleurs, avec la très forte fébrilité qui règne du côté des bourses chinoises qui ont abandonné 20% depuis le début de ce conflit commercial.
En effet, en termes de commerce, la Chine dépend plus des États-Unis que l’inverse. L’an dernier, elle a exporté 505 milliards de dollars de biens aux USA, son premier partenaire commercial, soit près de 21% de ses exportations globales.
Alors que les américains exportent, « seulement », 130 milliards de dollars de produits vers la Chine, soit 8,4% du total de leurs exportations. La situation chinoise est donc à surveiller de près.
Par contre, financièrement, Pékin a un moyen de pression monumental, puisque la Chine est le premier créancier étranger des États-Unis, détenant 1.182 milliards de dollars de la dette américaine. Les enjeux sont donc conséquents pour les deux parties.
Autre crainte des marchés, la Chine, en réponse aux barrières douanières, pourrait être tentée de répondre par une baisse de sa devise, de 10 à 15%, pour préserver sa compétitivité. De cette façon, elle limiterait l’impact négatif sur sa balance commerciale, de cette bataille avec Washington.
Dans un tel scénario, l’effet serait très négatif, pour la zone Euro et pour l’ensemble de l’économie mondiale, puisque ça rendrait les produits, dans le reste du monde, de fait moins attractifs. Les premières études montrent que la croissance chinoise, attendue à 6,7% cette année par l’OCDE, pourrait être amputée de 0,5 point. Ce qui, en soit, n’est pas encore dramatique pour l’économie mondiale.
- L’EUROPE N’EST PAS ÉPARGNÉE
Donald Trump avait prévenu : sa bataille au nom de « America first » n’épargnera personne. Pas même ses principaux alliés.
Les États-Unis enregistrent un déficit commercial de l’ordre de 100 milliards de dollars avec leur partenaire européen. De quoi susciter la colère du président américain, qui juge ce résultat inéquitable. Il vise principalement l’Allemagne et sa puissante industrie automobile.
Après avoir laissé à l’Union européenne quelques semaines de répit, pour tenter de négocier un rééquilibrage de leur partenariat, Trump insatisfait de la tournure des négociations, a également décidé d’appliquer à l’UE les taxes sur l’acier et l’aluminium. Ce qui n’a pas manqué d’exacerber l’irritation des européens, qui ont aussi répliqué en augmentant les taxes sur des dizaines de produits américains. Ils ont également déposé plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon eux, les règles du commerce international ne peuvent être violées impunément.
La réaction de Trump ne s’est pas faite attendre, puisqu’il menace désormais de taxer directement les voitures importées aux États-Unis, ce qui porterait préjudice aux constructeurs allemands. Toujours un peu plus loin dans l’escalade donc.
Cette prétendue « guerre commerciale » commence sérieusement à inquiéter les fabricants de voitures aux États-Unis, comme General Motors. Le protectionnisme commercial pourrait se retourner contre les États-Unis : imposer des taxes sur les véhicules importés aux US, comme l’envisage le président américain, coûterait des centaines de milliers d’emplois au secteur et entraînerait une hausse drastique des prix, menaçant un pan symbolique de l’économie américaine.
Mais Trump a une logique différente, celle que comprend ses électeurs, à savoir : il faut protéger le secteur automobile américain, concurrencé par les voitures européennes, qui à leur entrée sur le sol américain ne sont taxées qu’à hauteur de 2,5%, contre 10% pour les voitures américaines vendues dans l’Union européenne. Et il n’a pas tort sur ce point là. Les constructeurs allemands comme Volkswagen, Daimler et BMW, sont spécifiquement visés par le président américain.
BANQUES CENTRALES
Cette escalade dans la « guerre commerciale » pose question du point de vue des banques centrales.
La Fed peut-elle poursuivre la normalisation de sa politique face aux risques liés au commerce international ? À sa réunion de juin, l’institution américaine a écarté ces risques et s’attend toujours à une croissance future saine. Le PIB reste, en effet, vigoureux, la consommation se maintient et le chômage est exceptionnellement bas. C’est ce qui explique que, pour l’instant, Jerome Powell, président de la Fed, poursuit sa feuille de route sans vague.
Les taux directeurs ont été monté de 0,25%. Ils sont désormais à 2%. Powell a aussi laissé entrevoir deux autres hausses de taux (de 0,25% chacune) avant la fin de l’année et trois de plus en 2019, l’inflation revenant vers les 2%, qui est la cible de la Fed.
En outre, le bilan de la Federale reserve va être réduit de 40 Mds de $ par mois (au lieu de 30 Mds). L’équation sera sans doute différente si la « guerre commerciale » venait à s’envenimer. Cela pourrait donner lieu à des décisions de report de projets d’investissements de la part d’entreprises américaines. Ce qui changerait la donne.
La BCE a, elle aussi, eu un discours plus limpide, ce qui a rassuré les marchés. Si elle a laissé ses taux inchangés et repoussé cette perspective à l’automne 2019, moment où la cible de l’inflation de 2% devrait être atteinte, elle va diviser par 2 son soutien à l’économie. Ses achats mensuels passeront à 15 Mds d’Euros à partir d’octobre et devrait s’arrêter en 2019. Du point de vue de l’économie, pour Draghi, la faiblesse actuelle de l’activité n’est que passagère. Cela pourrait être diffèrent si les échanges avec les États-Unis devaient être surtaxés.
EUR/USD
Le Dollar s’est apprécié de plus de 7% depuis le début de cette « guerre commerciale » (la paire eur-usd a fini le semestre au-dessus de 1,15). De plus en plus inquiets face à cette montée du protectionnisme, les investisseurs se tournent vers la fonction de valeur refuge du Dollar, dont le blason est redoré grâce à l’accélération de la hausse des taux.
Le billet vert bénéficie, en effet, pleinement ce semestre, du resserrement de la politique monétaire menée par la Fed, dans le sillage d’une économie qui reste vigoureuse.
De son côté, même si la Banque centrale européenne a déclaré, lors de sa réunion en juin, qu’elle mettrait fin à son programme d’achat d’actifs fin 2018, elle a parallèlement annoncé qu’elle ne relèverait pas ses taux avant l’automne 2019.
La conséquence sur le marché des devises a été immédiate : l’Euro a fortement baissé contre le Dollar. La faiblesse de la devise européenne, ce semestre, face au billet vert est donc totalement justifiée, entre une FED plus “hawkish” et une BCE plus “dovish”.
La paire EUR/USD risque d’être démunie de catalyseur à l’entame de cette période estivale durant laquelle ni la Fed ni la BCE interviendront.
PÉTROLE
Le pétrole est le grand gagnant du semestre, avec une hausse de 24% depuis le 1er janvier ! Le prix du baril (Brent) a évolué, ces six derniers mois, entre 68$ et 80$. Cette hausse résulte principalement des efforts de l’Opep et des grands pays producteurs de limiter, par le biais d’une plus grande discipline, leur production.
Pourtant, après une remontée spectaculaire des cours cette année, le cartel et les autres grands producteurs comme la Russie, ont souhaité desserrer l’étau de cet accord et augmenter un peu leur production, pour calmer l’envolée des cours (qui ont pris près de 70% en un an). Les 12 pays producteurs concernés ont donc décidé à l’unanimité d’augmenter leur production de pétrole de quelque 560.000 barils par jour.
L’intérêt des pays de l’OPEP est au final de maximiser leur production, dans un environnement de prix suffisamment élevé pour stimuler l’investissement, mais sans que ces prix n’aient un impact négatif sur la demande. Sachant que les deux principaux acheteurs, la Chine et l’Inde, comptent pour 70% de la hausse de la demande.
En toile de fond les tensions commerciales et ses potentielles conséquences sur la demande mondiale en pétrole pourraient contrarier la stratégie générale de l’Opep et de ses alliés. Pour autant, le marché semble tout de même s’équilibrer sur la partie haute de la fourchette 70-80 dollars le baril. Un niveau médian qui satisfait aussi bien les producteurs que les consommateurs.
OR
L’or est toujours en difficulté et signe un premier semestre en baisse de 5%, évoluant désormais sous les 1260 dollars.
L’once aurait dû logiquement profiter de la montée des risques politiques et économiques. Et ils n’ont pas manqué. Entre la multiplication des mesures protectionnistes de Washington (notamment avec la Chine) et la crise politique en Europe, avec l’Italie qui hérite d’un gouvernement populiste et un Brexit qui s’éternise dans des négociations stériles. Bref le contexte aurait dû aider l’or, qui est symboliquement une valeur refuge, au lieu de ça les investisseurs l’ont boudé.
Si le cours de l’once reste sous pression, l’explication se trouve du côté de la Réserve fédérale américaine qui a relevé ses anticipations de hausse des taux cette année, ce qui continue de ronger l’or, qui par définition, ne procure aucun rendement.
Le dollar fort, qui résulte en partie de l’accélération de ce resserrement monétaire de la Fed, plombe également le métal jaune, dont c’est la devise de référence.
CONCLUSION
L’élan protectionniste que Donald Trump a impulsé, est devenu le risque majeur, générateur d’incertitudes sur les marchés. Dans un monde désormais multilatéral, ces mesures protectionnistes apparaissent comme une « balle dans le pied » que se tire Trump, tant il semble évident que les conséquences seraient négatives, aux États-Unis comme à l’international.
À ce stade, il est difficile de chiffrer l’impact de ces mesures sur l’économie. Mais il y a une vraie inquiétude des entreprises qui déplorent un manque de visibilité, qui floute leurs anticipations. Ce qui s’est d’ailleurs traduit par un premier semestre en « tôle ondulée » sur la plupart des bourses.
Des marchés qui ne comprennent plus très bien quelle est la stratégie réelle de Trump, qui jusqu’à présent les avait surpris positivement grâce à sa réforme fiscale. Mais l’orientation protectionniste semble avoir enrayé cette embellie.
Il se pourrait que toute cette mascarade de « guerre commerciale » ne soit qu’une posture politique pour gagner des voix aux républicains, en prévision des élections de mi-mandat en novembre. Auquel cas la situation devrait se calmer post-élections. Cette hypothèse semble plausible. Trump a mis un point d’honneur à redonner aux américains leur pouvoir d’achat. Or s’il s’entête toujours dans ses droits de douane prohibitifs, après les élections, les consommateurs vont subir de plein fouet la hausse des prix des produits importés. Ce qui en soit n’est pas la mesure la plus populaire.
Le grand point positif actuel se situe du côté des banques centrales qui ont bien la situation sous contrôle. Ce qui, en toile de fond, rassure les investisseurs. Alors même que la hausse des taux, apparaissait encore, l’an dernier, comme un risque majeur pour les marchés.
Quoi qu’il en soit, au terme de ce premier semestre, la politique semble avoir pris le dessus sur l’économie pure. Ce qui explique la remontée de la volatilité des marchés. Certes, les incertitudes actuelles pèsent sur l’environnement boursier et empêchent, pour le moment, une reprise claire des indices. Cependant, le début de la publication des résultats trimestriels, en juillet, pourrait permettre aux marchés de sortir de cette phase actuelle.
D’autant que ces chiffres devraient, selon les anticipations, être encore très positifs, un peu partout. Aux États-Unis, les résultats sont attendus autour de +20%, encore soutenus par l’effet de la baisse des impôts. C’est donc difficile, d’être très négatif dans ce contexte, malgré un environnement géopolitique chahuté.
Toujours est-il que les investisseurs devront conserver une certaine prudence, la volatilité étant bien installée.
Précision : Les informations contenues dans cet article n’engagent que le rédacteur et ne sauraient se substituer à un conseil financier spécifique. Elles ne sont valables qu’à la date de leur rédaction uniquement.